Portrait

Notre langue douce :
On y sent des harpes étrangères
Balbutier la source.
Ossip Mandelstam, Tristia, 1922

” Chacun est à soi-même le plus lointain “
Nietzsche Le Gai savoir

La voix inclassable de Noëmi Waysfeld se reconnaît à son timbre chaud,

rauque et d’une infinie justesse. Bercée dès le plus jeune âge par la musique classique, le jazz, la chanson et les musiques traditionnelles, elle grandit dans l’idée que la frontière entre ces genres est infime et aime collaborer avec des musiciens de tous horizons.

Elle fait ses premiers pas dans la musique professionnelle en explorant le répertoire populaire. En 2009 naît l’ensemble Noëmi

Waysfeld & Blik. Au fil de la décennie qui suit, ils enregistrent trois albums (Kalyma – Alfama – Zimlya) et donnent près de 500 concerts, réalisant un triptyque de chants d’exils salué par la critique et la presse internationale.

En 2017 Noëmi enregistre un disque de tango avec l’Ensemble Contraste et l’Orchestre philharmonique royal de Liège.

Son cinquième album Soul Of Yiddish (2021) est la synthèse de ses inspirations musicales. Noëmi confie la réalisation, les arrangements et les compositions au guitariste Kevin Seddiki et s’entoure de Sarah Nemtanu (violon), Antoine Rozenbaum (contrebasse) – ainsi que le violoncelliste Christian-Pierre La Marca pour un splendide Kol Nidrei. La presse est élogieuse (France Inter, France Musique, Le Point, Classique mais pas has been) et le programme continue de tourner très régulièrement

(Théâtre du Châtelet en novembre 2021, Théâtre de la Ville / Les Abbesses en juin 2023)

A l’instar de Sarah Nemtanu et Christian-Pierre La Marca,

ses affinités particulières avec la musique classique lui permettent de rencontrer de nombreux artistes tels que le chef d’orchestre Pierre Bleuse, la guitariste Gaëlle Solal ou les musiciens du Quatuor Psophos.

Avec le pianiste Guillaume de Chassy, Noëmi crée en novembre 2018 un spectacle autour du Voyage d’Hiver de Franz Schubert mis en scène par Christian Gangneron. Le spectacle se joue en février 2020 au théâtre de l’Athénée et l’album qui sort au même moment reçoit

une presse unanime : tous saluent la singularité de cette artiste qui sait garder sa voix naturelle si caractéristique dans des répertoires lyriques.

En 2019,

elle crée un trio pour voix et violoncelles avec Louis Rodde (trio Karenine) et Juliette Salmona  (Quatuor Zaïde) autour d’œuvres qui allient subtilement les chants judéo-chrétiens espagnols, la musique de Vivaldi et déjà des chansons de Barbara.

En 2022 elle collabore une première fois avec le compositeur Fabien Cali pour la création de son cycle de mélodies pour voix et orchestre

“Cueillir le Jour “ sur des poèmes de Ronsard. Elle se produit dans la même saison avec l’Orchestre National de Lyon sur un programme de chants d’Europe Centrale.

Noëmi Waysfeld signe fin 2022 avec le label Sony Classical.

Son premier album sous cette nouvelle étiquette, Le temps de rêver, sort en mars 2023 est

consacré à des mélodies et des chansons composées sur les plus grands poèmes de la littérature française, de Baudelaire à Prévert et

de Gabriel Fauré à Léo Ferré. Elle y est entourée du Quatuor Dutilleux ainsi que du pianiste David Kadouch. Encore une fois, elle est suivie par les médias et la presse (TV5 Monde, Partenariat Radio Classique, la Matinale de France Musique etc…)

Elle prépare actuellement son nouvel album consacré à Barbara,

avec l’Orchestre National d’Avignon dirigé par Débora Waldman, dans lequel elle retrouve Fabien Cali pour l’orchestration. La sortie aura lieu à l’automne 2024.

Je m’invente un pays où vivent des soleils
Qui incendient les mers et consument les nuits
Les grands soleils de feu, de bronze ou de vermeil
Les grandes fleurs soleils, les grands soleils soucis
Ce pays est un rêve où rêvent mes saisons
Et dans ce pays-là, j’ai bâti ma maison

Ma Maison – Barbara

“Le chant jaillit dans un déchirement de la pensée” disait Mallarmé

Je l’ai toujours écoutée. Le vinyle “Barbara chante Barbara” tournait en boucle à la maison, parmi les sonatinas de Schubert et les chants de prisonniers sibériens.
Je la chantais sans la comprendre, sa voix était toujours celle d’une retrouvaille, rappelant la maison et le quotidien.
Lorsque j’ai commencé à chanter, ce qui revenait si souvent, c’était que mon endroit était celui de “la voix de l’émotion” – et qu’on me “comparait” si j’ose dire à Barbara – ses inflexions, le choix des chansons que j’interprétais aussi, dites chansons à texte.
Le public souvent me demandait : et vous chantez Barbara ?
Naturellement je la fredonnais, naturellement je me suis mise à la chanter.
Lors des réglages sonores avant un concert c’est d’elle que j’entamais les premières notes, les premiers mots pour me donner un diapason intérieur, tester l’acoustique, faire connaissance avec une nouvelle salle. Peu à peu, j’ai inclus ces chansons dans mes programmes (La Serena avec Louis Rodde & Juliette Salmona, une version yiddish et franco-yiddish dans Soul of yiddish …)

Je savais qu’un jour ce serait un disque entier – je ne savais pas que ce serait dans la foulée de mon dernier album Le temps de rêver, et cela aujourd’hui me semble si cohérent : le français, ma langue maternelle qui prend définitivement sa place dans mon espace vocal, et après avoir chanté la mélodie française et la grande chanson du début du siècle, c’était le moment de Barbara.

Sa brisure me parle, me console, recoud mes plaies, celle de l’absence géante de celle qui m’a quittée trop vite, ma sœur. Barbara sait dire cela. Elle sait chanter tout ce que contient la vie, sans le dire trop fort, ni trop violemment, et jamais le soupçon de l’espoir ne disparaît complètement.

Mais à quoi ça tient, cette émotion intacte à chaque écoute, la justesse de ses mots, elle nous pique à vif, à coeur, Barbara.
Combien sommes-nous à l’écouter, si souvent, elle qui fait partie de notre quotidien, de notre intimité, de notre vie.

“La délicatesse des confidences chantées de Barbara, cette manière qu’elle avait de s’offrir à nous sans pour autant se démasquer, nous rendait complices d’une vérité qu’on ignorait” raconte Jérôme Garcin.

Voilà. Barbara nous met dans la confidence, et nous révèle à nous-mêmes.

Alors forcément, ça bouleverse, ça remue, ça donne envie, ça démange.

Ça devient nécessaire même de se mettre à chanter ces mélodies qu’on connaît tant, celles qu’on chantonne enfant ignorant tout du sens des mots, qu’on se prend en pleine poire quand on se met à comprendre, et qu’on redécouvre à chaque fois, une telle justesse de la vie, une telle humanité.

Il n’y a qu’à regarder ceux qui la chantent : sans défense, à nus devant le public, bouleversés.

Voilà en quelques mots l’état d’émotion dans lequel Barbara me plonge.
C’est même trop fort parfois, et j’y reviens encore.

Alors, quand Fabien Cali à la sortie de la création de son cycle “Cueillir le jour” m’a proposé d’orchestrer Barbara pour ma voix avec orchestre j’ai tressailli.

Quelle communion plus grande pour une chanteuse d’être entourée par tant de musiciens, tant de timbres, et que dans un même souffle, le chant peut jaillir.

Fabien Cali et toutes les musiques qu’il porte en lui, son écriture si intuitive de la voix, mais tout autant exigeante, son regard contemporain… quel projet irrésistible et quel cadeau.

Chanter Barbara, ça touche à l’expérience du sublime, sans jamais aucune grandiloquence.
Les chansons de Barbara sont celles que j’aurai aimé écrire comme je l’ai déjà dit.

Ce projet ne quitte plus mon esprit, je l’attends comme un rendez-vous, comme la promesse d’une belle histoire d’amour, comme qui dirait.

Noëmi Waysfeld