« J’adore nager et dormir ».
Elle aurait pu être un personnage d’Elias Khoury, Milia, qui a le don de voir en rêve ce qui est arrivé dans le passé sans elle, et aussi dans l’avenir, ou de Chantal Thomas dans ses souvenirs de marée basse pour qui nager « appartient à l’instant ». Mais elle ne parle pas du chant. Parce que chanter c’est naturel, c’est respirer, c’est habiter le monde.
On ajouterait qu’elle ferait délicatement croître sa part d’enfance comme un chantier à la René Char. Car l’enfance est le lieu de l’artiste. Là où il se tient, là où il trouve sa place, où il accroche la vie. Pour nous, en sa présence, elle offre un univers étrangement beau et troublant.
Noëmi Waysfeld a surgi sur la scène comme dans la vie, un (beau) jour. Météorite, objet chantant non identifiable. Sa voix, au timbre voilé, sa voix de verre dépoli et de sable, charrie des mélodies anciennes, du fado, des chansons, des lieds… Toujours surprenante, inclassable. En toute liberté, elle joue avec les étiquettes, jongle avec les styles, moque les assignations habituelles.
Depuis 2011, elle écume avec son groupe Noëmi Waysfeld Blik (regard) — une chanteuse, un accordéoniste, un guitariste un contrebassiste, 1 fille et 3 garçons —, les salles de concert, les radios, les lieux de résidences et partout elle suscite le même engouement. Opère un charme puissant, stupéfiant, inexplicable, irrésistible.
Pourtant Noëmi Waysfeld ne recherche pas le succès, ni à plaire à tout prix. Juste avancer, sans concessions, spectacle après spectacle, disque après disque, car chaque projet est exploration et l’étape d’un voyage. Comprendre, élucider, percer, gravir la pente de la vie. Sa carrière (chemin en provençal) est un processus quasi initiatique, en tout cas cathartique (vers ce qui la libère des fantômes).